De manière plus spécifique, la formation a permis de sensibiliser les producteurs de Bana sur le concept de déforestation (définition, causes, conséquences), leur présenter la position du standard de certification en agriculture durable de Rainforest Alliance par rapport à la déforestation et surtout leur présenter des solutions concrètes pour lutter contre la déforestation et contribuer à la préservation du paysage des monts Bana-Bangangté-Bangou.
« Une telle formation est importante d’abord pour les producteurs et ensuite pour le paysage forestier de l’Ouest, particulièrement celui de Bana et environs. D’après les présentations des uns et des autres, c’est une zone qui a déjà été déforestée depuis très longtemps. La majorité des producteurs sont en train d’entrer dans la cacaoculture qui n’a pas été une culture qu’ils ont l’habitude de faire. Ce qui fait qu’ils seront confrontés à des grandes difficultés liées notamment à la rareté des forêts », a déclaré Daniel Ellom, formateur. « L’appui de Saped m’a permis de multiplier mon champ de cacao sur une superficie de trois hectares. A partir de juin prochain, je vais mettre 425 plants de cacao en terre. J’ai également constaté qu’il me faut beaucoup d’ombrage dans les champs de cacao, sans oublier la mise en terre de la légumineuse Inga en respectant un écart de 10 mètres. Il y a aussi l’utilisation des fertilisants bio pour traiter les champs », s’est réjouie Jeanne d’Arc Tchangoue, cacaocultrice. Cette dernière qui encourage les femmes à s’intéresser à la culture du cacao, a déjà planté 25 plants d’Inga edulis.
L’agroforesterie, une alternative au problème de déforestation
Face aux pressions observées sur les ressources forestières, Rainforest Alliance promeut l’agroforesterie comme une approche alternative au problème de déforestation. « Elle apporte non seulement des éléments qui vont permettre de protéger les sols, d’améliorer leur fertilité, d’améliorer la productivité et les rendements au niveau des plantations cacaoyères, mais également de conserver les écosystèmes et apporter un certain équilibre entre la nature et l’agriculture », explique Daniel Ellom, formateur associé à Rainforest Alliance. A son avis, l’apport de l’arbre est important non seulement pour la cacacoculture, mais aussi pour toutes les communautés qui interviennent dans l’agriculture. Par ailleurs, l’agroforesterie a une dimension économique non négligeable. « Le cacaoyer est une plante saisonnière qui produit une fois ou deux fois maximum l’an. Il y a des périodes où le producteur vit très mal et n’a plus de revenus. L’agroforesterie permet d’apporter d’autres spéculations telles que les fruitiers, les plantes médicinales, les PFNL qui peuvent aider le producteur pendant les périodes de vaches maigres. Elle permet ainsi de diversifier les activités, les cultures, les rendements et les revenus », poursuit l’expert de Rainforest Alliance.
« La formation en cours est une plus-value surtout dans le domaine de la lutte contre la déforestation. On constate que de plus en plus, pour mettre en place une cacaoyère, il faut détruire les forêts. Si on peut déjà apprendre aux pratiquants ce qu’il faut faire pour mieux préserver nos paysages, c’est une bonne chose », a estimé le président de la coopérative des producteurs de cacao de Bana, Roger Tiani Youassi. Notre source voit en l’agroforesterie une aubaine. « Avec l’agroforesterie, il y a la possibilité de mettre des arbres fruitiers, pour lutter contre la famine et la pauvreté. L’utilisation d’un fertilisant comme Inga avec sa biomasse constitue une solution pour fertiliser le sol. Son ombrage aussi est une bonne couverture dans les champs. Les premières cabosses sont attendues dans trois ans », martèle-t-il.
Sur le terrain, une pépinière de 20 000 plants de cacao et un peu plus de 1200 plants d’arbres d’ombrage ont été mis en place à Bakassa en avril 2023. L’arbre d’ombrage sélectionné ici est l’Inga edulis qui est une légumineuse considérée comme un arbre fertilisant. Cette variété a été produite pour renforcer les plantations existantes, en termes de densification et de rajeunissement. La pépinière est reconduite en ce moment pour une bonne maturation des plants. Ils seront plantés dès avril et mai prochain.
Priorité à la durabilité
Au moment où l’on parle de plus en plus du cacao zéro déforestation d’ici 2025, avec la norme européenne (Règlement contre la déforestation et la dégradation des forêts, RDUE) qui va bientôt entrer en vigueur, une telle formation vient à point nommé. « Ceux qui commencent à s’engager dans la production durable doivent savoir les éléments importants qu’ils doivent prendre en compte. Les producteurs avaient déjà bénéficié d’une formation sur les éléments du standard Rainforest Alliance et sur quelques éléments de gestion de la coopérative. Le but ultime est de les accompagner sur le chemin de la production durable, qui serait salutaire pour tout le monde et plus tard sur le chemin exigeant de la certification », a indiqué Boris Hermann Fokouo Talla, chef de projets à Saped. L’initiative, ajoute notre interlocuteur, est portée par Rainforest Alliance qui travaille dans le sens de protéger les forêts tropicales en Afrique. L’enjeu étant de gérer de manière intégrée les forêts qui sont dans notre paysage, c’est-à-dire prendre en compte toutes les composantes : la forêt elle-même avec les ressources (végétales et animales) qui s’y trouvent et les communautés qui vivent tout autour. « Nous sommes engagés dans une dynamique de durabilité. Surtout qu’on a constaté que la déforestation était généralement accompagnée de feux de brousse. Il est capital de préserver la biodiversité et les écosystèmes », a fait savoir Roger Tiani Youassi. Le fait que la chaîne de valeur du cacao manque de durabilité empêche les producteurs de sortir du cercle vicieux d’une faible productivité et de faibles revenus dus pour la plupart à une mauvaise planification de la gestion des revenus issus de la commercialisation des fèves, mais aussi à un manque d’investissements dans leurs plantations favorisant des faibles rendements annuels, indique-t-on à Saped.
Cette démarche a davantage été mise en œuvre dans le cadre de ce projet dans le paysage forestier de Mintom, avec une forêt communautaire qui appartient à une communauté qui en dépend pour ses moyens de subsistance. « On a terminé l’accompagnement de la dernière forêt communautaire dans le cadre de la révision de son plan simple de gestion en fin novembre 2023. On a accompagné trois forêts communautaires à Mintom, dans la révision de leurs plans simples de gestion qui est l’outil qui permet d’exploiter la forêt. Le but est d’amener les communautés à continuer à mener des activités dans la forêt sans toutefois la dégrader complètement », soutient M. Fokouo Talla. D’où l’intérêt pour Rainforest Alliance d’intervenir pour promouvoir la conservation des écosystèmes dans le monde, c’est-à-dire conserver les forêts qui existent et réduire la pression exercée sur ces forêts, à travers toutes les activités (agriculture, exploitation forestière et minière…).
Rainforest Alliance en première dans la lutte contre la déforestation grâce au partenariat avec le Fonds pour l’environnement mondial et ONU-Environnement
L’activité organisée à la commune de Bana s’inscrit dans le cadre du projet Forest Allies (Alliés de la forêt; Ndlr) mis en œuvre de janvier 2022 à mars 2024. L’initiative est portée par l’Ong américaine Rainforest Alliance et mise en œuvre sur le terrain en partenariat avec Saped. Elle est davantage adossée à l’initiative « Eliminer les obstacles à la conservation de la biodiversité, à la restauration des terres et à la gestion durable des forêts grâce à la gestion du paysage par la communauté » (Conserving Landscape through Community Based Landscape Management ou COBALAM en anglais). Elle a été approuvée par le Fonds pour l’environnement Mondial (FEM) en février 2020 et est mise en œuvre par ONU-Environnement et le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable (Minepded) en partenariat avec Rainforest Alliance. La période va de 2020 à 2025.